Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
POUSSIERE D'ARGENCE
4 février 2015

Mon Papa (suite)

Comme beaucoup d'entre vous me l'on demandé

je vais vous raconter la suite de l'histoire de mon Papa

Enfin ce que j'en sais 

car à cette époque il y avait encore une barrière entre les enfants et les adultes

et l'on ne parlait pas devant les enfants.

                                           ********

Comme je vous l'avais dit après le mariage de sa Maman

et que le mari de sa Maman lui ai donné son nom

Il est venu vivre chez sa Maman, cette dame imposante

qu'il ne connaissait pas -

imposante : elle était très grande pour son époque environ 1,70m.


Cette Maman n'était pas très caressante,

même pas du tout

La vie ne lui avait pas appris à donner des caresses

Elle avait plus appris à donner et recevoir des coups

 

Puis il a eu une petite soeur

Ensuite je ne sais pas ce qui c'est passé 

j'ai ouï dire que des voisins avaient porté plainte car il était mal traité

IL est ramené à l'assistance publique

dans de meilleures conditions car il n'était plus un bâtard

Il faut que vous sachiez qu'à cette époque un bâtard portait la honte dans sa famille

et était considéré comme un pestiféré, et un enfant de satan.

Le revoici dans cette maison de l'assistance publique ou il avait

pratiquement toujours vécu

en quelques sortes c'était sa maison

mais il avait maintenant 7 ans

et à 7 ans les enfants étaient placés chez des personnes

qui avaient besoin de main d'oeuvre gratuite, 

 Les garçons c'était souvent chez des agriculteurs

Il  arrive chez ces personnes pas plus aimables que les soeurs de l'assistance

Levé avec le soleil couché en même temps que le soleil

un petit arrêt à midi pour grignoté un morceau de pain

Un travail très dur, il devait fournir le même travail qu'un homme.

Le soir après le travail un bol de soupe et un morceau de pain

 il dormait avec les animaux dans la bergerie.

Bien entendu pas de dimanche,

d'ailleurs il ne savait même pas quand c'était un dimanche.

 

Le temps passe

Il est adulte, en âge de se débrouiller

donc il sort de la tutelle de l'assistance

et va à Gardanne, une ville à coté de Marseille

ou l'on demandait de la main d'oeuvre pour travailler au fond de la mine

IL est tout de suite embauché

et prend une pension chez une dame qui tenait un bar et louait des chambres

elle s'appelait Mme Bénassaï,

j'ai bien connu cette dame, car plus tard coïncidence,

nous avons habité en face de chez elle.

 

Inutile de vous dire que l'école il en connaissait tout juste le nom

Il voulait s'instruire, s'élever dans la vie,

donc avec l'argent qu'il gagne il achète quelques livres et étudie

Il décide de passer son certificat d'étude primaire

- chose très importante à l'époque puisqu'il était obligatoire pour certains emplois

notamment pour entrer dans l'administration même pour être éboueur -

et à l'âge de 20 il se présente à l'examen de CEP

qu'il réussit

pendant cette période il fait la rencontre d'une jolie demoiselle.

Mais problème il est de Marseille

et les Marseillais avaient mauvaise réputation

Obligé de se voir en cachette

et dans une petite ville où tout le monde se connaît pas facile.

 

le temps passe

Et arrive la déclaration de la guerre, son pays avait besoin de lui

Ni une , ni deux il s'engage immédiatement

dans les chasseurs alpins

Malheureusement il fut vite fait prisonnier et envoyé en camp de concentration en Allemagne

Marseille en 1939-1945

et le voila encore enfermé pour la troisième fois

Mais maintenant ce n'est plus un enfant, et il n'accepte pas d'être privé de sa Liberté

Pas question

il s'en évadera.

 

 

Le temps passe

Il continue de correspondre avec son amoureuse

Les parents acceptent

Il s'est engagé pour défendre son pays donc ce ne doit pas être un voyou

et puis où il est il ne peut pas faire grand chose.

 Moi René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag II B - Tome 2 : Mon retour en France

 

Le temps passe

1 an.........

Il désire se marier

et par correspondance demande sa main

en précisant que s'il ne revient pas, sa femme percevra une pension de veuve de prisonnier de guerre

Finalement on accepte

Mais les Allemands ne donnent pas de permission

donc il faut envoyer les certificats nécessaires, le consentement de la jeune fille et l'autorisation des parents

Elle n'est pas majeure, elle a 20 ans 

Les papiers arrivent tout est O.K

et voila qu'il se marie comme il disait avec un "boche"

Struthof : la fosse aux cendres

puis il envoie l'acte de mariage à sa future

et elle se rend à la mairie avec ses parents 

et se marie.

Maintenant elle est Mme F...............

c'est un 26 novembre

                                                        ++++++++++++

Le temps passe

et puis une occasion, il s'évade avec 2 copains

Ils sont repris et mis au cachot

il ne travaille pas, donc pas de nourriture

Il survit grâce aux prisonniers qui en allant travailler lui jette des morceaux de lard.

Le temps de cachot est terminé

Lorsqu'un prisonnier qui s'évade et repris

on le change de stalag, et on l'envoie toujours dans un camp plus dur

Le voila dans ce nouveau camp ou il se fait vite de nouveaux amis

 

                                                  +++++++++++

Le temps passe

et nouvelle occasion il s'évade avec un copain

Cette fois il arrive en France, à la frontière

Ils vont taper à la porte d'une ferme

Ils sont bien reçus, l'homme va leur chercher de la nourriture

mais en guise de nourriture il revient avec les Allemands

Ils sont repris,

D'un coup de crosse l'Allemand lui casse la mâchoire

Il a la peau dure, il a été à la bonne école, on lui a appris à encaisser  les coups

Un kapo frappe un déporté, au camp de Natzweiler-Struthoff. Dessin de Rudolph Haess

Retour au cachot.

et envoyé dans un camp encore plus dur

en Sibérie cette fois.

 

                                           +++++++++++++

 

Le temps passe

3 ans qu'il est derrière les barbelés

Les travaux de plus en plus durs

le froid de plus en plus froid

Déportés construisant le canal Dove-Elbe. Parmi eux, avec un brassard balnc, des kapos.

Il a les pieds qui ont gelé - il en souffrira toute sa vie -

Il faisait tellement froid que lorsqu'il urinait

son urine se congelait immédiatement

et formait un arc de glace.

 

                                          ++++++++++++++++

Le temps passe

Un jour on emmènent les prisonniers  

charger des sacs de sucre dans un train

Il  remarque que le train va en Suisse

S'il pouvait partir avec,

la Suisse est un pays neutre

La Suisse c'est la liberté

La Suisse c'est revoir son épouse

Mais il y a un risque si on le reprend il est fusillé

c'est la loi.

La loi des nazis à la 3ème évasion on est fusillé

Mais la mort c'est peut être aussi la liberté

et sûrement mieux que ce camp 

Les sacs sont chargés, il faut retourner au camp.

Avec un copain il charge les 2 derniers sacs

C'est l'occasion

Ils restent tous les 2 cachés entre les sacs de sucre


Le train s'ébranle et démarre

démarre vers la liberté

démarre vers son épouse

 

 

à chaque arrêt dans des gares quelques sacs sont déchargés

par chance ils sont dans le dernier wagon

le wagon sur lequel il est marqué SUISSE

par une fente dans le bois du wagon ils voient des uniformes Allemands

après plusieurs arrêts et redémarrages

les voici dans une dernière gare, mais le train ne redémarre pas

et toujours des uniformes Allemands

les jours passent, ils ont soif

une seule solution pour ne pas mourir

boire son urine

ce qu'ils font

et par la fente toujours les uniformes Allemands

Au bout de quelques jours ils n'urinent plus

Ils vont mourir dans une agonie atroce

mort pour mort autant être fusillé

c'est moins douloureux

ils cognent de toutes les forces qu'il leur reste

enfin on leur ouvre

Il s'évanouit

 

 drapeau suisse

 

Il se réveille,

tout est blanc

le lit, les draps, les murs,

un ange tout blanc s'approche de lui

c'est le ciel, il est sur un nuage,

NON il est bien vivant et dans un hôpital Suisse

l'ange blanc est une infirmière

il ne comprend plus

Les uniformes Suisses ressemblent beaucoup aux uniformes Allemands

Ils demandent à être rapatrié chez son épouse.


Impossible l'Administration Suisse doit faire une enquête

pour savoir s'il n'a pas tué pour s'évader

Par chance ils n'en ont pas eu besoin.

et puis il est trop faible,

peu à peu on le nourrit par petites quantités

car si on lui donne trop vite à manger après toutes ces années de privations il risque de mourir

La croix rouge fait savoir à sa famille qu'il est en Suisse

C'est le Maire qui vient annoncer la nouvelle

Et enfin il est rapatrié chez lui

Ma Mère m'a dit que lorsqu'il est arrivé

il pesait 40 kg et avait au moins 5 kg de poux sur lui. 

Il est envoyé dans un camp militaire à la montagne

pour le retaper, car à la maison il n'y avait pas grand chose à manger

C'était la guerre.

 

 

Le temps passe

Il revient un peu grossi ou plutôt un peu moins maigre

et pour continuer à défendre son pays

il rejoint le maquis et les FFI.

 

Et je nais 

 

Puis c'est la libération

à Gardanne c'est le 16 Août

Le 16 août est toujours férié à Gardanne

 

A partir de ce jour là

Il a nagé dans le bonheur

il avait une épouse, une maison, un foyer et surtout la LIBERTÉ

Il a travaillé toute sa vie comme un forcené pour que SA famille ait tout ce qu'il n'avait pas eu

Malheureusement il a toujours été malade du aux séquelles de ces satanés camps.

 

Le temps passe

J'ai environ 7 ans

 Nous sommes venus à Marseille faire des courses.
Je suis avec ma Mère et ma Mémé à l'arrêt des cars pour rentrer chez nous

Elles chuchotent toutes les deux

et ma Mémé me dit

"tu vois les 2 dames, tu vas les voir et tu demandes à la plus âgée si elle n'est pas ta grand mère"

Je ne savais pas qu'on pouvait avoir 2 grands mères

Et bien oui c'était la Maman et la soeur de mon Papa

à partir de ce jour nous nous sommes côtoyées

J'ai beaucoup aimé cette tante qui m'a énormément gâtée

Ma grand mère était ma grand mère c'est tout

car ma Mémé c'était celle que j'ai toujours eue.

 

Le temps passe

Mon Papa est décédé le jour de Pâques

à son enterrement il y avait une file de personnes d'environ 1 km

chaque fois que nous passions devant un magasin les lumières s'éteignaient en signe de respect.

Il était très aimé

toute sa vie a été consacrée à faire le bien autour de lui.

 

Il n'a jamais pu me raconter sa vie en Allemagne

La seule chose qu'il m'ait dite c'est :

"Ce qui etait plus dur que les coups et les privations c'était l'humiliation et d'être obligé de baisser les yeux"

 

Mon billet est très long, je sais

C'est vous qui me l'avez réclamé !

et je ne pouvais pas ne pas aller jusqu'à la fin.

                            *****

P.S : toutes les photos ont été prises sur le net.

                            *****

 Voila c'est un bout de mes racines auxquelles je suis très attachée.

 

 

 

 

 

 

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
V
que d'émotions à la lecture de cette histoire qui "prend aux tripes" comme on dit. Quelle force et quelle détermination chez ton Papa. Il en fallait de la hargne et de la volonté pour se sortir de toutes ces situations. Après cela, aucun mot ne vient pour terminer ce com alors tout simplement gros bisous et merci de ce partage.
K
oh la la quelle histoire !!! le début commence comme un roman de terroir que j'affectionne... puis tout se gâte, on sent ce qu'il a du endurer... la folie des hommes... et dire que tout peut recommencer, c'est effrayant !!!
P
"Le temps n'efface pas la trace des Grands Hommes".<br /> <br /> Tu peux être très fière de ton Papa, un homme effectivement hors du commun.<br /> <br /> Bises<br /> <br /> Patricia
L
Un grand respect pour ton Papa !!!! Tu peux en être très fière !!!! très émue d'avoir lu ton post (par le biais de Mamichat)<br /> <br /> la "jeunesse" de ton Papa (le Batard) les coups...les punitions ... l'assistance publique...<br /> <br /> tout cela me r'appelle mon enfance...une enfance meurtrie un jour j'écrirais ma biographie...<br /> <br /> bisous
S
Très émouvant ton récit ...<br /> <br /> Bises<br /> <br /> Sand
POUSSIERE D'ARGENCE
Publicité
Archives
Newsletter
173 abonnés
Publicité